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Commission Artistique & Approche sensible

Introduction et enjeux

L’atelier World Café autour de la dimension artistique du Parlement s’est organisé premièrement autour d’une question qui a été ressaisie et redéfinie pour lui donner une substance plus profonde.

La question première était de savoir quelles actions artistiques imaginer dans le cadre du parlement afin de présenter ce projet collectif, ainsi que de convaincre.

Cependant, les participant.e.s ont fait la remarque que cette question sautait directement aux conclusions. Ils et elles ont donc collectivement préféré faire un pas de côté, et questionner la question.

Ce qui en est ressorti est une question plus fondamentale, et dont les réponses ont plus tard servi à donner des exemples concrets comme attendus originellement.

La question centrale qui est ressortie au cours des premiers échanges était la suivante :

Comment individuellement et collectivement prendre contact avec la « nature » ? Et comment présenter cette même « nature » ?

Le but était donc de réussir à déterminer la nature de la partie dite « artistique » du Parlement, avant de trouver des actions lui correspondant.

Le résultat a été une série de considérations entre l’existentiel et le philosophique, visant d’abord à redéfinir la problématique en question, dans une tentative de s’approprier le sujet, puis à établir les conditions d’une perception « artistique », ainsi que les différents freins et leviers pouvant apparaître.

Finalement, il a été fait un certain nombre de propositions, libres d’être enrichies par la suite, ainsi que quelques précautions à garder à l’esprit lors de la mise en place d’actions par le Parlement.

Reformulation et définitions : comment générer une perception artistique ?

Il a été compris durant la discussion que le terme « artistique » était trop ambigu pour qualifier correctement cette partie fondamentale du projet de Parlement de la rivière Isère. Le terme d’attachement a été préféré, bien qu’il soit un nom et non un adjectif. Il a également été suggéré le terme « poétique ». Les participant.e.s ont trouvé que le terme « artistique » était trop contraignant au vu de ce que représentait réellement la question redéfinie, étant donné que la réalité sous le terme « artistique » était bel et bien la sensibilité, d’un point de vue aussi bien individuel que collectif. En effet, il a été soutenu que pratiquer l’art c’est être dans un mode contemplatif, sensible.

L’attachement, ont d’ailleurs précisé les participant.e.s, n’est pas forcément attachement à une entiténaturelle entendue comme « pure ». On peut tout à fait être attaché à une rivière anthropisée, avec un lit artificiel, des ponts, des berges aménagées...

Comme dit précédemment, il semblait clair pour les participant.e.s qu’il y a une dimension contemplative à l’existence, et ce sont les conditions d’établissement de cette dimension qu’iels ont brièvement tenté de définir.

Iels ont soutenu que pour être attaché à une entité naturelle, il faut être conscient de ce qui nous entoure, il faut prendre le temps, et donc changer de perspective par rapport à nos habitudes. Il a par ailleurs été évoqué le rapport utilitariste à la nature de notre société contemporaine, comme étant un mode d’existence non seulement matériel mais conditionnant aussi notre rapport affectif, et duquel une telle perception d’attachement collectif et individuel pourrait difficilement émerger.

La question du temps comme générateur de cette perception est revenue plusieurs fois et de manière centrale dans les discours et témoignages des différent.e.s intervenant.e.s. Il en est ressorti que lorsque l’on parle de « prendre le temps », il ne s’agit pas uniquement d’être dans des dispositions plus calmes pour s’ouvrir à une perception différente (bien que cela soit important à titre individuel), mais également de placer l’objet que l’on observe – en l’occurrence, la rivière – dans une ligne temporelle bien plus large pour en comprendre l’évolution, et donc l’ancrage contemporain. On peut, a-t-on dit, comparer la rivière d’aujourd’hui et la rivière d’avant afin d’en obtenir une compréhension plus grande.

La dimension temporelle est donc au cœur de cette sensibilité artistique. Il existe toutefois une autre dimension forte, et présentée par les participant.e.s de manière répétée comme étant nécessaire à cette perception, à savoir la dimension sociale. C’est la combinaison du temps et du social qui permet de communier avec la nature. A travers un ensemble d’exemples, les participant.e.s ont mis en mots cette nécessité dans le contact avec la nature : il doit se faire avec d’autres pour porter une force. La question d’une « bataille culturelle » a été évoquée, et en creux, la nécessite d’une contre-culture de l’attachement face à la culture utilitariste contemporaine.

Afin de comprendre plus en profondeur cette « culture de l’attachement », il a été suggéré de se rapprocher notamment des peuples premiers, car ce qui est exprimé fondamentalement lorsque l’on parle d’attachement à la nature, c’est une vision du monde. Il a donc été supposé qu’en observant les ressorts d’une autre vision du monde, il serait plus facile pour nous de nous représenter des alternatives et de créer cette autre culture que nous cherchons à mettre en marche. Il a également été suggéré d’envisager la rivière sous la perspective bio-régionaliste afin de prendre en compte la vie et les pratiques culturelles qui l’entourent. Dans la même thématique, un certain nombre de témoignages et de tentatives d’interprétation des interactions entre les humains et les entités non-humaines ont été données. Certaines d’entre elles notamment autour de la question de la communication avec la rivière. Il a été dit, par exemple, que l’environnement humain est touché par la nature d’une rivière ou d’un cours d’eau, qu’il soit paisible ou vif, large ou fin, en crue ou à sec… L’idée n’est pas simplement de témoigner d’une différence de politiques, d’infrastructures ou d’usages, mais aussi d’« état d’esprit ». Il a également +été dit que le fait de se ressourcer près d’un cours d’eau peut être vu en soi comme une forme de communication, dans laquelle on prend quelque chose à cet environnement et qui nous transforme en conséquence.

Il est possible de voir ici la présence déjà forte d’un rapport à la nature non calibré par le matérialisme et qui a été exprimé sous la forme d’expériences concrètes et de témoignages. De la même façon, il a été souligné qu’un point de vue culturel différent serait une façon intéressante de questionner nos évidences, dont l’une d’entre elles étant que « l’eau, c’est aussi la vie, et c’est ça qui est fascinant », comme l’une des personnes a pris le soin de le rappeler.

Pour finir sur la question de comment générer une perception artistique, les conditions de cette perception ayant été établies, s’est posée la question de comment la faire vivre, la transmettre et créer cette culture de l’attachement. La notion d’éducation populaire a été évoquée. Les personnes ayant évoqué cette question ont insisté sur la notion de l’échange avec d’autres groupes, ainsi que sur l’importance de propager une attention accrue envers les milieux naturels. L’idée serait donc d’ouvrir à une vision de la nature différente les personnes agissant à la fois dans et autour du Parlement de la rivière Isère, mais aussi les personnes non sensibilisées à ces thèmes. Il a été notamment souligné que l’intérêt d’une culture de l’attachement est qu’elle peut également donner envie d’aller chercher des données scientifiques, ou bien de faire un travail de réflexion sur les droits de la nature. Ces aspects techniques qui peuvent parfois rebuter certaines personnes peuvent être compris comme servant cette nouvelle vision du monde, et donc comme nécessaire. L’attachement peut créer l’envie du technique car cet aspect technique est contextualisé par tout un environnement sensible. Il a également été évoqué l’effet inverse, à savoir que les personnes venant pour l’aspect technique pourraient finalement avoir envie de cet aspect poétique à force de s’approprier les enjeux techniques. En cela, la dimension poétique, ou d’attachement, du Parlement a toute sa place dans le projet plus global.

Propositions

Des propositions ont été faites pour répondre à la question tout au long des échanges. Toutes ne correspondent pas forcément à la conclusion des réflexions élaborées, mais sont des bases de travail intéressantes et répondant clairement à des envies. Il a également été donné un certain nombre de précautions à garder à l’esprit lors de la création de tels événements.

Les précautions sont les suivantes :

  • Faire attention à ce que les propositions ne soient pas « de niche » ou « puériles ». Pour pouvoir convaincre en dehors des personnes et des groupes déjà sensibilisés, il faut pouvoir utiliser des référentiels
  • communs. Dans le but de parler à tous, il faudrait revenir à des propositions très « premières ».
  • Faire attention à l’impact sur les milieux naturels des événements que l’on pourrait organiser.
  • Les propositions sont les suivantes :
  • Être présent.e.s lorsque des festivals autour de thématiques proches sont créés.
  • Organiser notre propre festival sur la rivière.
  • Organiser un concert participatif.
  • Imaginer une balade contée, et la création d’un conte
  • Faire du « comme si », des propositions théâtrales.
  • Reprendre et diffuser les œuvres artistiques autour des rivières qui existent déjà (« Je suis un saumon », ou bien le film de Marie Moreau sur sa descente du Drac).
  • Créer une fiction sur le temps long et la partager à terme.
  • Faire une carte sensible comme celle du Guiers, mais avec le Verderet par exemple
  • Faire du land art.
  • Faire de la méditation en milieu naturel.
  • Mettre en place des ateliers d’écriture de chanson.
  • Organiser des balades en milieu naturel.
  • Créer un espace de discussion sur la rivière.
  • Trouver un nom des « adorateurs » de l’Isère.

Référent

  • Pierre Louis Serero - pierrelouisserero@gmail.com